Sécurité et efficacité de l’ECT (Electroconvulsivothérapie)
Moins de 0,1 % des patients hospitalisés en psychiatrie en France reçoivent chaque année une électroconvulsivothérapie. Malgré une efficacité régulièrement démontrée pour certaines formes de dépression sévère, ce traitement reste entouré de nombreuses interrogations et perceptions contrastées.
La procédure s’appuie sur un encadrement rigoureux, des protocoles éprouvés et une surveillance médicale étroite. Les recommandations internationales s’accordent sur des bénéfices et des risques clairement identifiés, mais la réalité du terrain fait apparaître des pratiques très différentes d’un pays à l’autre.
Plan de l'article
Comprendre l’électroconvulsivothérapie : principes, indications et déroulement
Souvent appelée sismothérapie et, plus rarement, « électrochocs », l’électroconvulsivothérapie (ECT) occupe une place particulière dans la psychiatrie moderne. Mise au point en 1938 par Ugo Cerletti et Lucio Bini, elle consiste à provoquer une crise d’épilepsie maîtrisée grâce à un courant électrique bref, administré sous anesthésie générale. Les images impressionnantes véhiculées par certains films sont aujourd’hui bien loin de la réalité : la procédure se déroule dans des conditions d’asepsie et de sécurité strictes.
L’ECT est envisagée quand les traitements médicamenteux, tels que antidépresseurs ou neuroleptiques, échouent à soulager une dépression sévère résistante, un épisode maniaque aigu ou des cas complexes de trouble bipolaire ou de schizophrénie. Elle peut concerner des adultes de tout âge, à condition de respecter un bilan pré-anesthésique strict et d’obtenir un consentement éclairé. Le recours à l’ECT se justifie tout particulièrement dans les situations d’urgence suicidaire ou si le patient ne tolère pas les traitements classiques.
Le protocole prévoit généralement 8 à 20 séances, à raison de deux à trois par semaine. Chaque session, souvent réalisée en ambulatoire, mobilise l’expertise conjointe de psychiatres, anesthésistes et du personnel infirmier spécialisé. Après la stimulation, le patient reste en observation en salle de réveil. Chez certains, des séances de rappel seront proposées pour limiter le risque de rechute, en particulier dans les formes chroniques. L’ECT est contre-indiquée dans les cas d’hypertension intracrânienne et nécessite une vigilance accrue chez les personnes souffrant de pathologies cardiaques ou respiratoires.
Quels résultats et quelles limites pour l’ECT ? Efficacité, sécurité et effets secondaires
Des décennies d’études cliniques et d’observations permettent d’établir la sécurité et l’efficacité de l’électroconvulsivothérapie. Pour des patients atteints d’épisodes dépressifs majeurs résistants, l’ECT affiche un taux de réponse supérieur à 60 %, dépassant largement celui des antidépresseurs classiques. Elle est également utilisée dans les troubles bipolaires à cycles rapides, les états catatoniques ou certaines schizophrénies réfractaires. Dans les situations d’urgence suicidaire, la rapidité d’action de l’ECT peut changer le cours d’une vie.
L’ECT n’est toutefois pas dénuée d’effets secondaires. Le plus fréquent reste la perte de mémoire, surtout sur les souvenirs récents, le plus souvent transitoire. Certains peuvent ressentir une confusion passagère après la séance, des maux de tête ou des douleurs musculaires. Le risque anesthésique ne diffère pas de celui associé à toute anesthésie générale. Il n’a pas été constaté de lésion structurelle au niveau du cerveau ; chez certains patients, l’ECT stimule même la neurogenèse et la plasticité neuronale de l’hippocampe.
La technique montre cependant des limites très claires. Elle ne s’est pas révélée efficace pour les troubles anxieux isolés, les troubles de la personnalité ou les addictions. Le recours à l’ECT s’envisage toujours collectivement, après échec des traitements médicamenteux et psychothérapeutiques. Chez les personnes âgées ou fragiles, la vigilance médicale doit être renforcée.
Pour résumer les points majeurs, voici les principaux repères sur l’ECT :
- Taux de réponse élevé dans la dépression résistante
- Effets secondaires principalement cognitifs, le plus souvent transitoires
- Absence d’efficacité sur les troubles anxieux isolés ou addictions
- Indication validée en urgence suicidaire
Applications de l’ECT dans le monde : données, pratiques et retours d’expérience
La pratique de l’électroconvulsivothérapie se décline aujourd’hui de façon très variable selon les pays. En France, elle reste l’apanage de centres spécialisés comme le centre hospitalier La Chartreuse à Dijon, soumis à une autorisation stricte. Les chiffres nationaux révèlent de fortes disparités régionales : certaines régions disposent d’une offre structurée, ailleurs l’accès reste limité, malgré des recommandations nationales pour les dépressions sévères et schizophrénies résistantes. Le traitement n’est proposé qu’après une évaluation collégiale, avec consentement éclairé et suivi rapproché.
En Suisse, l’ECT est intégrée au système de soins via la prise en charge par l’assurance de base, facilitant l’accès pour les patients hospitalisés ou suivis en ambulatoire. Les établissements, souvent rattachés à des universités, appliquent des protocoles similaires à ceux de la France, avec une attention particulière portée à la sécurité de l’anesthésie et à l’accompagnement après la séance.
La perception de l’ECT reste marquée par la stigmatisation, en partie depuis le film « Vol au-dessus d’un nid de coucou ». Les psychiatres soulignent l’importance d’un travail d’information auprès des patients et de leurs proches pour déconstruire les fausses images. Les témoignages recueillis auprès de patients confirment souvent une amélioration rapide, en particulier lors d’urgences, tout en rappelant la nécessité d’un suivi neuropsychologique pour anticiper les troubles de mémoire, généralement passagers.
Les différences de pratiques et les consensus émergents se dégagent clairement :
- Disparités d’accès et d’organisation selon les pays
- Stigmatisation persistante mais recul des préjugés dans les équipes spécialisées
- Consensus international sur la sécurité des protocoles modernes
À l’heure où tant de questions planent encore, l’ECT reste un traitement à la fois redouté et source d’espoir, tenu en équilibre entre progrès médical, vigilance et humanité.
